Hélie de Saint Marc, Mémoire, les champs de braise


Je pourrais parler de révoltes fiscales, de légitimité des gouvernements, m’essayer à prédire l’avenir de notre pays mais cette semaine je n’ai pas le cœur à cela. Je viens de refermer les mémoires d’Hélie Denoix de Saint Marc et c’est plus tôt un témoignage que je voudrai écrire.

 Hélie de Saint Marc redimensionné

Lorsque je l’ai acheté je ne connaissais que les grandes lignes de sa vie. Très jeune résistant déporté en 1943 et laissé pour mort par les nazis. Il finit Saint Cyr et s’engage dans la Légion. Il part pour l’Indochine om il assiste à l’abandon des supplétifs vietnamiens. Il sert dans les para en Algérie (il a commencé en Indochine). Commandant en second du 1er Régiment Étranger de Parachutistes il participe au Putsch d’Alger pour ne pas à avoir à abandonner les harkis. Condamné à 10 ans de prison il sort au bout de cinq ans suite à une grâce.

Je connaissais les grandes lignes, c’était le témoignage que je voulais connaître. Hélie de Saint Marc incarne les aventures et les vicissitudes de toute une génération née au début des années 1920 et qui ont connu tout les drames de l’Histoire de France de cette époque. L’a priori que l’on a de cette époque en général très négatif. On critique le colonialisme, on dénonce les parts sombres comme la torture, on célèbre le courage des peuples colonisés qui se sont battus pour leur indépendance. Je voulais avoir le point de vu d’un acteur de cette époque.

J’ai été très profondément marqué par ce que j’ai lu. J’ai découvert ce que ces hommes ont pu ressentir, leur courage, leur abnégation et leur dignité. Il faut de tout cela pour affronter les épreuves qu’ils ont traversées. Ce sont des hommes à qui l’on a demandé de se battre pour leur pays, très loin de leur terre natale. Ces hommes ont accepté. Ils sont partis au loin, près à donner leur vie si nécessaire. Ce sont des hommes qui se sont engagés de tout leur être, leur âme. Dire que tous ont été des héros sans reproches est évidemment un abus de langage, mais beaucoup l’on été c’est indéniable.

Ce livre souligne de manière lucide et sans exagérations les contradictions et les faiblesses de la métropole. On les a envoyé risquer leur vie mais simplement pour s’en servir comme des pions sur un échiquier. Un des passages les plus poignant est quand Hélie de Saint Marc reçoit l’ordre de se replier sans pouvoir emmener les villageois dont il avait eu la charge. Durant des mois ces derniers avaient cru à la France et cette dernière les abandonner au Vietminh et à une mort horrible. C’est resté pour lui une blessure jamais guérie, subie dans un pays dont il était tombé amoureux.

Après l’Indochine c’est l’Algérie, cette blessure enfouie des consciences française. Hélie de Saint Marc est un auteur sans tabou. Il parle tout aussi bien de ses activités militaires contre les membres de l’ALN, que des relations entre communautés en Algérie. Il est lucide sur l’aveuglement de certains Pieds Noirs tout en rendant hommage au courage et à l’engagement de beaucoup d’eux. Il est d’une certaine manière très critique vis à vis des politiques qui demande aux soldats de gagner la guerre mais ne savent pas ce qu’ils feront de la victoire. Il évoque la torture, il ne la nie pas, mais la replace dans le contexte d’attentats aveugles organisés par le FLN de l’époque. Ce n’est pas une justification, mais il donne les clefs pour comprendre l’état d’esprit de l’époque.

Le Putsch est traité rapidement, les faits sont connus, mais ce qui compte ces comment ces hommes, habitués à obéir et servir, en sont venus à se révolter. Contrairement à ce que l’on croit les armées n’ont pas tendance à faire des pronunciamientos. C’est surtout dans l’imaginaire gauchiste que l’armée est vue comme une menace. Ce Putsch de 1961 est le seul où une frange de l’institution s’est rebellée contre l’autorité. Les derniers actes de séditions remontent aux coups d’États des Bonaparte où l’armée à suivi ses chefs mais pas pour elle-même.

Si un parallèle devait être fait ce serait plus avec les conjurés de juillet 1944 qui ont fait sauter une bombe dans les QG d’Hitler et tenté un coup d’État militaire. Il faut garder les proportions, De Gaulle, malgré ses défauts, est loin d’être Hitler mais il y a des points communs. Dans les deux cas il s’agissait d’un contexte de guerre, de s’opposer au détenteur du pouvoir perçu comme légitime, le tout au mépris de ses propres traditions et avec une chance de succès ridicule. Pour que ces hommes en arrivent à ce point là de désespoir et agissent dans ce sens pour rester fidèle à une conception aussi élevée de l’honneur et du devoir c’est vraiment qu’il y avait une raison réelle et profonde.

Ces mémoires sont importantes pour comprendre notre passé récent. Notre pays vit depuis deux siècles sur la division et la guerre civile, entre les bons et les méchants. Si nous sommes réellement un peuple, alors ces hommes sont nos pères et nos grands-pères. Savoir et comprendre, c’est là un devoir filiale qui a encore un sens. Souvenons nous de ceux qui sont tombés, loin de chez eux, parce que on leur avait demandés. Ils l’ont fait, ils sont allés au bout. Il y a là un devoir de mémoire, simplement par respect afin de pouvoir

« Pour un temps, il faut encore tenter de vivre honorablement »

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